Un vin féminin ?

 

Le vin a-t-il un genre ?


Avez-vous déjà entendu ça : « c’est un vin féminin » ?

Ce terme, dans le langage courant, est censé décrire un vin fin, harmonieux ou subtil.

Cela laisse perplexe.

L’excellent essai de Sandrine Goeyvaerts, Manifeste pour un vin inclusif passe en revue le vocabulaire du vin à l’éclairage de linguistes, sociologues… Elle conseille de ranger au placard cette expression sexiste qui a fait son temps, pour décrire le vin avec plus de justesse : comme fin, harmonieux et subtil !


Un double sens

En fait, cette expression recouvre un double sens. Il s’agirait d’un vin à la fois :

• délicat au nez et en bouche

• apprécié par les femmes

Autrement dit, un vin à l’image d’une femme idéalisée.

Et cette femme, dans l’imaginaire masculin, aurait donc un palais fin, qui ne supporte que les tanins soyeux ?

« On attend des femmes réserve et délicatesse, ni force, ni solidité » note encore l’autrice (également sommelière caviste et journaliste).

Comment en sommes nous arrivés là ?


Qui a décidé ce qu’est la femme ?

Comme le chante Barbara Pravi , qui définit la femme?

Et qui peut catégoriser un vin comme celui aimé des femmes?

Voyons comment tout cela a évolué.

« Les prémisses du lexique de la dégustation sont nées dans les salons bourgeois ou aristocratiques », explique Sandrine Goeyvaerts.

L’univers du vin est à l’image de notre société française : le vin a longtemps été une affaire d’hommes.

Le vocabulaire a été choisi par des hommes, pour des hommes.

Pour ma part, quand j’étais petite, à table, les tontons servaient le vin et lançaient : « il a de la cuisse ! ». Les commentaires appartenaient aux hommes.


« Être femme, c’est être mise de côté »

Voilà une des analyses de Sandrine Goeyvaerts.

« … les mots du vin jouent sur le registre de l’éternel féminin et à ce que la femme peut nous apporter de meilleur : son corps. La cuisse, la robe, la chair l’opulence… »

« En réduisant la femme à un objet (de désir ou sacré), on lui donne une place tout à fait artificielle qui ne lui permet pas d’exister à armes égales avec les hommes…. On lui confisque la parole et cela se ressent : pour 43,4% des femmes, ne pas maîtriser le langage du vin les a déjà mises dans une situation d’inconfort, contre seulement 26,7% des hemmes » relève Sandrine Goeyvaerts, qui  a interrogé 1014 personnes, dont une majorité de 30-45 ans.



Osons décrire nos sensations!

Aujourd’hui dans une cave ou un laboratoire d’analyse sensorielle, les vigneronnes, vignerons et œnologues parlent plutôt d’intensité colorante, de nuances et de reflets. Ce sont des faits concrets qui permettent de caractériser les vins.

Dans le vocabulaire de dégustation, nous utilisons des images pour décrire les sensations tactiles perçues en bouche.

Alors nous faisons référence à des sensations plus familières : comme si nous touchions avec la paume de la main un tissu soyeux ou un tronc d’arbre.

Imaginez que vous avez une gorgée de vin en bouche et vous sentez que :

• C’est souple: le vin est souple, il n’a pas d’acidité ni de tanins saillants.

• Ça accroche un peu: les tanins sont rugueux ou le vin est charpenté. Il laisse une impression râpeuse, sèche en bouche.

• Ça fait serrer un peu les mâchoires : le vin est dur en raison d’une acidité élevée.

« La langue est un outil d’émancipation, usons-en ! » clame l’essayiste.

Et je suis bien d’accord avec elle.

D’ailleurs, je ferai bientôt d’autres articles sur le vocabulaire du vin.


Et vous, arrivez vous à vous exprimer sur ce que vous ressentez en dégustant un vin ? Comment avez-vous appris ?

Faites moi part de votre témoignage, je serai très heureuse de vous lire et vous répondre !

photo d'une femme de dos qui tient un verre de vin devant la tour eiffel
photo d'une main de femme qui tient un verre de vin blanc sur une table , devant une tarte aux légumes
image de femmes qui ne veulent pas boire de vin